Aujourd’hui, nous continuons notre tour de portraits inspirants de personnes créatives, dans toute la richesse du terme. Nous avons déjà pu discuter avec un musicien, une professeur de yoga & coach de vie, une entrepreneure, une autrice, une agent d’illustrateur elle-même illustratrice ! Nous faisons du chemin, n’est-ce pas ?
Pour l’article de ce dimanche, je vous propose une interview avec Yankosso qui est architecte et passionnée par l’écriture. Je l’ai rencontré dans le cadre professionnel au cours d’une séance de conseil et j’ai énormément apprécié son énergie créatrice. Elle n’a clairement pas de problème pour générer des idées, vous pouvez me croire sur parole !
Voici donc son entretien ci-dessous. J’espère que vous y trouverez de quoi vous nourrir, des mots qui vous font réfléchir, ou qui vous parlent.
Bonne lecture 🙂
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Pour commencer, peux-tu te présenter ? Que fais-tu dans la vie ?
Je fais tout mon possible pour être heureuse, c’est la première chose à savoir.
Dire cette simple phrase m’a prit un temps fou d’acceptation. Comment penser vouloir être heureuse quand la société nous pousse à la rentabilité, à la production ? Depuis les années lycée j’ai toujours travaillé en même temps que mes études. Aujourd’hui je veux profiter de la vie. J’ai décidé de ne plus tenir compte du conformisme auquel on s’attache volontairement ou pas parcequ’on est dans le monde des adultes. Il est vrai que contredire cette appartenance reviendrait à se mettre automatiquement au ban de la société. J’ai conscience qu’en ce moment je suis sur la limite car je veux faire différemment mais je n’y suis pas encore parvenue.
Quant à mon métier, je suis Architecte. Je dis souvent que c’est bien plus qu’un métier mais une vocation. L’architecture me permet d’avoir une perception plurielle sur la société et les individus. Toute la journée je fais des zooms entre ma vie et celle des autres. C’est pour cette raison qu’il est difficile pour moi de mettre de la distance entre ma vie et mon métier. J’ai besoin d’englober les interactions que je peux voir, savoir pour avancer dans mes choix et mes idées. Tout est lié.
Durant mes études, je n’ai jamais pris le temps de réfléchir sur ce que je voulais vraiment, ce que je voulais accomplir en tant que personne. Je n’avais pas le temps de me poser, d’être dans le silence. À présent, je m’impose un silence heureux pour comprendre qui je suis et où je veux aller non seulement pour moi mais aussi pour les autres.
Je ne veux pas être une marionnette sociétale mais une citoyenne active. Mon titre exact est Architecte Diplômée d’État et il lourd de sens. J’ai un devoir public.
Une pensée qui doit toujours converger vers l’autre. Je dois pouvoir apporter des solutions concrètes à des inconnus. La jeune diplômée que j’étais ne s’est jamais posé de questions d’une part parce qu’elle n’avait pas le temps et d’autre part parce qu’elle ne se sentait pas légitime.
Le point de départ de cette introspection a été 2017. Je suis sortie vidée d’un chantier. Des désaccords avec l’entreprise et les clients ont eu raison de moi. J’avais également des désaccords avec certaines personnes lors de visites avant projet, de consœurs/confrères avant même de commencer un projet. J’ai donc dit stop. J’ai pris sur moi et j’ai réfléchis enfin à comment je voulais travailler et comment j’allais allier mes idéaux et ma vie professionnelle. Durant ma réflexion je me suis amusée, j’ai voyagé, je suis allée à des expositions, des soirées, j’ai pris des cours du soir. Presque deux ans plus tard, tout se recoupe et je suis très contente d’avoir pu rencontrer des personnes, des lieux, des environnements différents. Des questions qui revenaient souvent dans mon quotidien. Pourquoi est-ce que je dois travailler très souvent face à mon écran d’ordinateur ? Où sont passés les maquettes, les dessins, les croquis qu’on faisait en Ecole d’Architecture ? Comment faire comprendre aux gens la difficulté de mon métier ? Comment je veux continuer à travailler ?
J’ai trouvé une partie des réponses. Le reste viendra avec les rencontres et l’expérience. Je pense aussi que j’attendais l’aval de quelqu’un pour oser. Je ne sais pas qui mais de quelqu’un. J’ai décidé de ne plus rien attendre et de faire.
C’est aussi pour cette raison que j’ai décidé de me présenter sous Yankosso. Parce qu’en fin de compte la seule autorisation dont j’ai besoin, c’est la mienne. Yankosso c’est mon Univers c’est mon identité. C’est une utopie réaliste.
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Je pense aussi que j’attendais l’aval de quelqu’un pour oser. Je ne sais pas qui mais de quelqu’un. J’ai décidé de ne plus rien attendre et de faire.
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Selon toi, comment la créativité se traduit–elle dans ton métier d’architecte ?
Je me considère d’abord comme une rêveuse. La créativité me permet de rester en contact avec les autres. C’est davantage un lien social. Quand j’étais petite, je m’amusais à m’entourer de personnages fictifs ou réels et j’ai même inventé une langue. Que j’ai appelé le Morenaba.
Les deux personnes/personnages que j’aimais beaucoup: Marylin Monroe et Lois Lane. Je disais à mes amies que Marylin Monroe avait un nom semblable au mien : Monroe-Moreno. C’était sûr que mon nom allait me porter au sommet. J’allais être une star ! Puis j’entendais souvent Moreno dans des films pour gangsters. Un monde rempli de secret. J’étais tellement contente. Lois Lane, elle, elle était indépendante, c’était une femme de tête.
Mon imaginaire permettait de changer mon quotidien qui était difficile à une vie rocambolesque. Je pouvais enlever, supprimer, oublier ce qui me dérangeait. D’ailleurs j’ai pris l’habitude de le faire encore aujourd’hui. En grandissant, je me suis dis que je devais surement avoir un problème pour omettre certaines choses. Puis je me suis auto-convaincue que c’était une chance de pouvoir passer rapidement à autre chose.
La créative que je suis est arrivée durant mes études d’architecture. Je me suis retrouvée par hasard à l’Ecole d’architecture. Je ne voulais pas faire ça au début. Je voulais juste être décoratrice. Architecte, je ne savais même pas ce que cela voulait dire! J’y suis entrée parce que mes études préparatoire en arts appliqués me coûtaient trop cher. Je n’étais pas une artiste. Je voulais arriver à mon BAC+3 être décoratrice et puis basta. Puis, je me suis prise au jeu. J’ai aimé les cours, mes camarades, les sorties et les voyages. Un ami m’avait dit aussi qu’en étant architecte on n’était pas obligé de demander l’accord pour faire un projet. Alors je me suis dis que je n’avais qu’à terminer mes études et devenir Architecte. Mais bien sûr c’est beaucoup plus compliqué que ça maintenant que je suis dans le métier.
Sans mes professeur(e)s je n’aurais jamais appris le sens de la création. Ils/elles m’ont montré que l’architecture pouvait changer les choses. Je disais tout à l’heure que la créativité est le lien social entre les autres et moi. Et c’est vrai. C’est le fil tangible entre mon Univers et le monde dans lequel je réside. Ce que je pense devient réel quand il est construit. La créativité est un moyen de penser en groupe, d’avoir des pensées interminables. C’est pour cette raison que j’ai crée mon atelier d’architecture, Atelier Retour aux Sources, en incorporant un Laboratoire d’idées pour penser et réfléchir avec les autres avant de construire.
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Sans mes professeur(e)s je n’aurais jamais appris le sens de la création. Ils/elles m’ont montré que l’architecture pouvait changer les choses.
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As-tu un processus de création défini te menant du début à la fin d’un projet ou fais-tu au feeling ?
Mes pensées divaguent et elles sont nécessaires mais le processus de création telle que je le définis ne peut pas se faire au feeling car on est déjà dans le projet.
Au début de la conception de projet on peut se permettre de prendre du temps pour réfléchir ensemble sur les besoins réelles et non des besoins supposés mais le feeling est très difficile à incorporer. J’essaye d’instaurer un cadre de travail souple mais plus on avance dans les étapes plus le cadre est obligé de devenir rigide. Il existe dans le processus de projet commun à tout architecte, des étapes à réaliser/respecter. C’est avec cette méthode que je travaille. Cependant, j’ai décidé d’inclure un temps d’étude en collaboration avec les personnes/clients plus ou moins long en fonction du projet. J’ai en quelque sorte transformé certaines étapes, j’en ai raccourci d’autres.
A travers le laboratoire d’idées d’Atelier Retour aux Sources j’ai crée deux plateformes : Sources Event’s et L’Até.
Sources Event’s ce sont des ateliers-rencontres que j’ai commencé à organiser depuis juillet 2018. Je me suis aperçue que certaines personnes avaient du mal à comprendre mon travail et pourquoi je ne pouvais pas à certains moments répondre favorablement à leur demande même s’ils me payaient et même si le projet était en cours.
Le monde de l’architecture peut paraître abstrait c’est pour cela que j’essaye de montrer la façon dont je travaille. J’essaye aussi de guider au mieux durant la conception j’aborde toutes les questions durant Sources Event’s pour commencer avec le moins d’interrogations possible. Au delà du dessin, de l’administratif et de la technique les relations humaines font parties intégrantes de mon travail. Avant de m’engager dans un projet je tiens à m’assurer d’avoir expliqué les tenants et les aboutissants à mes clients.
L’ATÉ, l’Architecture à Travers l’écriture, est une plateforme qui me permet de connaître et de comprendre le quotidien, un moment T de la vie d’une personne à travers l’écriture. Je l’ai crée en 2017 juste après mon introspection. Cela a commencé avec des amis. Je leur ai demandé de m’écrire leur ressenti, leur avis sur l’architecture avec une illustration. C’est devenu un moyen de comprendre l’architecture à travers le regard de néophytes qui décèlent énormément de choses malgré ce qu’ils pensent. Aujourd’hui, j’ai décidé d’élargir le spectre avec la création d’une association. Le projet est en cours de concrétisation. Je suis en train de chercher des partenariats, des subventions. J’ai des personnes qui me soutiennent dans cette aventure et cela me fait du bien.
Certaines personnes me disent que je veux à travers mes actions rendre l’architecture accessible mais ce n’est pas vrai. L’architecture est déjà accessible et cela depuis longtemps et sans moi. Je veux juste transmettre ma vision des choses.
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Au delà du dessin, de l’administratif et de la technique les relations humaines font parties intégrantes de mon travail.
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Ressens-tu le mental sur la créativité ?
Je mène plusieurs projets de fronts parce que j’ai des idées qui viennent et que je ne veux pas les voir mourir dans mon cerveau. Je le fais aussi parce que j’ai choisi de ne pas être salarié. Je fais en sorte de mener mes projets mais je n’oublie pas que je dois payer un loyer, manger, payer les transports. Si cela s’avère nécessaire je redeviendrai salarié sans oublier mes projets. Avec toute ma bonne volonté et mon imagination, je n’ai pas encore trouvé comment fabriquer des billets de banque.
Il m’est donc arrivé d’avoir trois boulots avec un jour de repos ou pas du tout. D’avoir des moments ou je ne voyais personne, ni ami(e)s, ni proche, ni famille. Tout cela parce que j’ai une vision de qui je veux être et de qui je veux devenir. On peut être amené à se sous-estimer, à ne pas faire les choses par peur. Je ne veux plus de cet état d’esprit et je fais en sorte d’avoir des personnes qui pensent comme moi. Je m’engage d’abord avec moi-même à rester focus sur mes objectifs. Ce n’est pas évident tous les jours. En ce moment mon mental me met à rude épreuve. C’est un passage obligé.
Il y a des jours avec et des jours sans. Quand j’ai des freins, je les note. Je me dis pourquoi est ce que je n’y arrive pas et je prends plaisir à rayer un à un les obstacles.
Cela prend du temps mais je suis patiente. J’ai eu la chance d’être poussé à viser toujours plus haut. Aucun frein ne m’a été inculqué. On m’a donné la capacité de croire que le possible était mon meilleur ami. S’il veut partir je le rattrape. Il est même coincé. A croire que mon meilleur ami peut devenir mon prisonnier.
Si tu devais choisir 3 mantras ou phrases fortes ayant du sens pour toi dans ta vie, quelles seraient-elles ?
1. Si tu dors, ta vie dort
2. L’impossible est possible
3. Attache-toi à faire de ta vie un paradis
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