Faire du zèle
Pendant deux mois je suis restée cloitrée.
Comme pour beaucoup, mes humeurs ont connu de très forts hauts & bas. Ca fait bien longtemps que je n’avais pas été dans ces bas fonds, tiens.
Je n’arrivais pas à m’autoriser de sortie « inutile ». Pourtant, officiellement je le pouvais mais je n’y arrivais pas. La peur de « faillir à mon devoir ». La peur de ne pas « être à la hauteur ». Mais mon mental, lui, coulait petit à petit… Mais je devais être forte, n’est-ce-pas ? C’est qui nous était demandé.
Finalement, je crois que c’était la semaine avant le déconfinement: je me suis autorisée une sortie pour activité sportive à cause de ma famille et de ma psychologique qui m’encourageaient à le faire.
Et je découvrais que la vie continuait au dehors, loin de mes yeux. C’était rassurant et perturbant à la fois.
Rétrospectivement, je me demande si je n’aurai pas dû m’autoriser plus de sorties. Car c’est mon aspect borné et presque dictatorial (envers moi même) qui s’est encore révélé. Je pense réussir à m’adoucir et soudain, comme prise la main dans le sac, je constate que je suis encore en train de m’en vouloir pour quelque chose où j’ai déjà beaucoup donné.
Ce que je retiens, c’est qu’il faut faire attention à soi. Oui. Parce que le confinement aurait pu durer indéfiniment. Et faire un marathon demande à doser son énergie.
Je sais que je vous rabache les oreilles avec ça mais je préfère en parler à chaque article sur le confinement, cela me semble important: être en confinement, c’est difficile pour beaucoup de personnes. Point. Famille, pas famille, travail, pas travail. Certains les vivent bien, certains le vivent mal. D’autres ne ressentent pas de différence. Nier l’expérience de l’autre n’aide personne.
Je pense que c’est aussi pour cela que je partage avec vous mon expérience. Cela peut sembler étrange à dire mais je crois qu’au fond je me contre fous que l’on puisse avoir une opinion négative de la manière dont j’ai vécu le confinement (ex. « ahlala de quoi elle se plaint »). Je pose mon ressenti car il est ce qu’il est. Je n’ai pas à avoir honte, ni à me sentir fière, ni à m’en vouloir, ni à me jeter des fleurs. Mon expérience, ainsi que la vôtre, a été ce qu’elle a été et les émotions vécues ne sont pas à débattre.
Il n’y a pas de badges de « bons citoyens » et finalement, même s’il y en avait, me connaissant, ils me provoqueraient la même méfiance que les « voisins vigilants ». Surveillance, délation, pointer du doigt, et une petite tape dans le dos pour le bon petit soldat. Est-ce vraiment ce que je veux ?
Sur une notre à part, je me demande si le taux de suicide parmi les personnes isolées a augmenté.
L’immobilité qui mène au mouvement
Comme j’en parlais avec une amie, j’avais régulièrement émis l’envie de faire une retraite silencieuse dans un temple bouddiste (un jour). Finalement, mon confinement m’a mis face à ce genre d’expérience sans que je le prévois.
Pour résumer le contexte:
- Une ville, qui même si j’avais pu l’arpenter avant le confinement, m’était étrangère d’un point de vue émotionnel (0 repère)
- Loin de ma famille ainsi que mes proches
- Internet limité. Que je devais garder pour pouvoir travailler sereinement.
- Un appartement qui malgré tout le confort qu’il représentait n’était tout simplement pas le mien
- Quelques affaires dans une valise cabine
- Un appartement quasiment vidé en vue d’un déménagement
Ces éléments me font penser à une sorte de retraite puisque je me retrouvais en dehors de mes repères. Je pensais découvrir un extérieur, une ville mais j’ai dû explorer mon intérieur contre toute attente.
On choisit de faire une retraite, la retraite est venue à moi.
Les distractions étant limitées, j’étais bien obligée plusieurs heures par jour à juste me regarder le nombril et me demander « Comment tu vas TOI ? ».
Cette impossibilité de bouger m’a forcé à regarder où je souhaitais aller.
Que faut-il changer ? Que faut-il garder ?
De quoi ai-je peur ? Est-ce justifié ? Suis-je en train de me trouver des excuses ?
Est-ce que j’ai des possibilités d’y arriver ? Est-ce que je suis prête à m’adapter ?
En s’immobilisant, la vase se calme, tout se dépose. Et là je pouvais observer ce qui trainait au fond de mes pensées. C’est le même processus qui se passe aussi pendant la méditation. Vous avez même peut être déjà lu cette analogie de la vase qui se dépose au fond. Les quelques séances de méditation que j’ai réussi à faire pendant le confinement étaient incroyablement mouvementées. Il se passait beaucoup de choses dans ma tête !
J’ai continué les séances avec ma psychologue qui m’ont aidé à faire un peu le tri dans tout ça. Certaines choses étaient logiquement liées à la peur de la mort, la peur de perdre mes proches, la peur de la contamination… Et d’autres étaient des signaux de problématiques plus générales qui méritaient d’être enfin confrontées.
Pour ceux qui ne le savent pas, cela fait des années que je me demande où Diantre ai-je envie d’habiter ?
Pendant cet isolement, je me suis posée la question « Sibylle, où souhaiterais-tu être pour vivre un confinement comme celui là ? » et naturellement la réponse fut : « un appartement à nantes où je serais seule et j’aurai un chien ». Alors je n’ai pas questionné cette réponse. J’ai (enfin !!!) accepté que je devais juste bouger. Faire un pas vers autre chose et voir où ça me porte. Et j’ai dans le même temps accepté le deal suivant : je peux déménager maintenant et re-déménager dans les années à venir si j’en ressens le besoin. Finalement, c’est le même deal que celui que j’avais formulé lorsque je me suis coupé les cheveux courts : je veux découvrir ce que cela fait, par curiosité, et si cela ne me plait pas, ça prendra du temps mais ils repousseront.
Alors, je ne sais pas si cela prendra du temps. Je ne m’inquiète pas trop pour ça. Je suis patiente. Et même si cela arrive rapidement, je sais aussi me montrer réactive. En gros : je m’ouvre à la possibilité. Les dés sont jetés, et on verra bien ce qu’il se passe.
Faux sens de normalité
Je marche dans la rue, et mes pas se font légers.
Je retrouve les rues que je connais, je retrouve mes repères.
Je vois les gens qui parlent, les gens qui rient.
Je sens qu’une part de mon anxiété se calme lorsque je retrouve mes longues balades pédestres.
Et puis soudain, ça me revient.
Je porte un masque. Ca fait probablement 4 fois que j’ai mis du gel hydroalcoolique sur les mains depuis que j’ai mis les pieds dehors. Les magasins sont fermés. Les dizaines de milliers de morts me reviennent en tête. La peur. Les 100 kms. L’anxiété est de retour. Les larmes montent parfois.
Dérèglement des saisons & perte de repère
Avant le confinement, j’avais froid avec mon manteau moumoute d’hiver.
Pendant le confinement, je voyais la beauté du ciel de Rouen qui me faisait craindre une période de sécheresse.
Les températures actuelles me rappellent celles de juillet, pendant que celles de mars me rappelaient celles de mai.
Les orages colossaux qui se sont abattus m’ont beaucoup trop rappelé certains livres post-apocalyptiques que j’ai lu ces dernières années.
Des périodes extrêmes.
Et nous, est-ce que nous saurons adapter nos cultures ? Est-ce qu’on continuera à avoir assez de denrées alimentaires ? (une crainte de plus à rajouter dans la longue liste déjà présente)
Matérialisme & sécurité
Je vous en ai, je crois, déjà parlé mais pendant cette période, je me suis rendue compte de l’importance d’avoir des objets avec une forte symbolique. Ces objets que j’ai récupéré ou mis du temps à trouver : ils sont un véritable pivot de mon confort physique & mental. Comme une chape de soutien en cas de secousse de l’échelle d’une pandémie.
Comme j’étais heureuse de retrouver le fauteuil que j’ai récupéré de ma grand mère, ma table de chevet récupéré de mes grands parents, mes vêtements trouvés en seconde main ou offerts par ma famille…
Même si j’ai clairement eu un élan de consommation effrénée pendant le confinement (je n’avais pas commandé de colis sur amazon ou autres en 2 ans… j’ai foutu en l’air mon score), j’ai aussi vu l’importance de choisir avec soin ce qui nous entoure. Des choses qui nous plaisent réellement. Des plantes qui continuent à vivre malgré tout. Qui nous rappellent que l’on peut continuer à grandir, qu’importe la situation.
L’importance d’avoir un chez soi où on se sente bien, en sécurité.
L’importance de se sentir en sécurité avec un toit sur la tête.
Pour conclure cet article déjà beaucoup trop long et beaucoup trop teinté de tristesse à mon goût, j’espère que vous retrouvez comme moi le goût des choses avec ce déconfinement. Quelle joie et quel soulagement j’ai de retrouver mes balades pédestres. Revoir les gens avec leurs chiens … Ne pas regarder l’heure… Ne pas écrire d’attestation…
La joie de jouir de ma liberté de circulation… à 100 kms.
Promis, je reviendrais bientôt avec du contenu plus joyeux mais chaque chose en son temps 🙂