Couper ses cheveux longs pour une coupe garçonne: EP.1

Il y a encore un mois, j’arborais fièrement une tignasse de cheveux longs, avec une frange qui me suivait depuis bien longtemps. J’ai passé un cap que je n’avais jamais envisagé : j’ai tout coupé. J’ai maintenant les cheveux très courts. Alors que je ne n’avais jamais eu les cheveux au dessus des épaules auparavant ! C’est un changement qui est radical et qui pourtant ne change rien du tout… Cette expérience me fait vivre quelque chose de très étonnant et c’est pour ça que j’avais envie de vous en parler ! Elle me questionne, m’intrigue et je n’arrive même pas à comprendre la profondeur du changement qu’elle provoque.

Pourquoi je me suis coupé les cheveux ?

Un jour, l’idée de me couper les cheveux m’est venue en tête. A partir de là, je n’ai pas réussi à m’en débarrasser. Mon intuition me disait « essaye, il faut que tu saches ce que ça fait ». Tout couper est devenu en quelques semaines une véritable idée fixe. Je sentais que c’était une étape dans mon cheminement. C’était un moment particulier où ma vie semblait trop statique et j’attendais un « message » de mon intuition me disant quelle était la prochaine étape à suivre. Ma réaction lorsque j’ai pensé à tout couper était tellement forte que je ne pouvais pas la laisser dormir dans un coin de ma tête. Il fallait que je ressente ce que ça fait de laisser derrière soi des années de cheveux. Avoir une nouvelle tête à offrir au monde. Je ressentais le besoin de découvrir quelle serait ma réaction face à un tel changement. J’y pensais constamment. Est-ce que je le vivrais difficilement ? Est-ce que je regretterais ? Est-ce que je me sentirais légère ? Est-ce que ce serait facile à vivre ? Il fallait que je sache. Est-ce que j’étais vraiment prête ?

J’en parlais autour de moi à qui voulait bien l’entendre. Mon premier élan fut de partir du principe que j’allais couper moi même avec une tondeuse. Étrangement, je n’avais pas plus peur que ça et je me disais qu’il fallait simplement qu’on m’aide pour faire la partie arrière. La réaction de mon entourage étant unanime « Ne le fais pas toi même », j’ai accepté de me plier à la sagesse collective pour finalement les faire couper par quelqu’un.

Chose étrange: c’est au moment où j’ai décidé que j’irai chez le coiffeur que le doute est apparu. Le faire moi même comporte un risque que j’arrive à anticiper. Oui, je me doute que ça ne sera pas joli joli dès le début. J’en ai conscience. Par contre, confier cette tâche à une tierse personne et donc lui donner la responsabilité de ma coupe rendait la prise de risque plus grande dans ma tête car je n’allais pas contrôler cette partie.

Alors qu’initialement je comptais juste assouvir mon désir de raser la tête, j’étais soudain face à ce que je déteste : devoir exprimer mes envies clairement à autrui. Je déteste errer mille ans sur Pinterest pour trouver les 2 seules coupes qui ne me débectent pas, je déteste observer chaque détail pour réussir à définir ce que j’aime ou ce que je n’aime pas. J’ai passé un temps fou à chercher des photos pour donner une direction claire à ma demande. Et surtout ça a commencé à me faire encore plus peur : il y avait tellement de coupes que je détestais au cours de mes recherches que je commençais à me demander si je n’allais pas me retrouver avec l’une d’elle sur la tête.

Alors que j’avais sereinement décidé de me couper les cheveux, les moments de préparation n’ont pas été agréables. J’allais devoir déléguer, donner le contrôle de cette expérience et je n’appréciais pas cette perspective.

Finalement, j’ai saturé. Je suis arrivée au point du « fuck it, je voulais juste tout couper, moi ! » et j’ai seulement gardé quelques photos qui me semblaient cohérentes. (NB: Ce point sans retour du « fuck it » est vraiment un outils précieux dans ma vie, je suis heureuse d’en être naturellement dotée, je devrais lui consacrer un article d’ailleurs)

Les cheveux et la féminité

C’est un point central dans cette expérience. Mes cheveux, avec le recul, ont toujours eu une double utilité : exprimer ma féminité tout autant que celle de la cacher. J’utilisais ce code social accepté de tous qu’avec les cheveux longs j’étais de sexe féminin, mais ces mêmes cheveux me permettaient aussi de me sentir en sécurité derrière eux. Ils cachaient ma poitrine, ils étaient un rempart face au monde extérieur. Mes longs cheveux me donnaient l’impression d’être moins visible, protégée, à l’abris des regards de ces vieux bonhommes qui m’ont emmerdé tout au long de ma vie dans l’espace public. Ma frange, elle, cachait ce front et plus largement cette peau acnéique qui en gardera toujours les traces.

Pour simplifier, je dirais que ces cheveux me permettaient d’envoyer au monde « là, ça va, vous comprenez bien que je suis une fille là ? Vous allez pas m’emmerder comme ça ? » tout en me donnant accès à des manières de dissimuler cette féminité qui m’a toujours malheureusement donné le sentiment d’être vulnérable.

Si comme moi, vous avez une longue histoire conflictuelle avec votre féminité (ou ce qu’il en reste), vous vous reconnaîtrez sûrement dans cette ambivalence. Répondre juste assez aux codes sociaux pour passer sous le radar, tout en se protégeant des attaques possibles. Ne pas se faire voir, ne pas se faire remarquer. Eviter les ennuis. (spoiler: ça ne marche pas)

Je sais bien que je n’étais pas seule à ne pas réussir à marcher sereinement dans la rue avec une queue de cheval. Cette peur viscérale de me faire empoigner par ces cheveux qui quelques secondes avant virevoltaient, innocemment. Étonnement, les chignons ne me provoquaient pas la même peur, alors enfin je pouvais gagner quelques degrés en fraîcheur et en praticité.

Il y aurait bien trop de choses à dire sur mes peurs (fondées ou non), ma condition de femme, et mes cheveux.

J’aimerai néanmoins aborder encore un point : en discutant avec ma mère, j’ai remarqué un changement entre les générations. Lorsqu’elle était dans sa vingtaine voire même avant, ce n’était pas un événement qu’une fille se fasse une coupe garçonne. Cet acte ne semblait pas revêtir la même symbolique que ce j’ai pu constater aujourd’hui. Dans la mesure où elle habitait Paris, j’imagine que ce n’était pas pareil dans la reste de la France, mais en tout cas, dans son milieu, se couper les cheveux courts était assez habituel.

Pourtant, en discutant avec mon propre entourage, j’ai découvert une crainte qui m’a étonnée. « Ohlala, mais t’es sûre… vraiment sûre ? », « Tu n’as pas peur ? », « Tu as vraiment du courage, je n’aurai jamais osé ! », « Tu as eu de la chance que ça t’aille, car ça ne va pas à tout le monde, et sûrement pas à moi »…

Or, vous voyez bien que cela n’est à priori pas logique. Je suis bien heureuse de vivre dans la société actuelle et non pas celle dans laquelle ma mère a grandi. Sur certains points nous faisons des avancées incroyables. Naturellement, à chaud, j’aurai dit que forcément nous avions aussi avancé à propos de nos cheveux. On peut les teindre, on peut en faire ce qu’on veut. Sur le principe. Rien ne nous empêche… à part nous même (dans mon milieu ndlr).

Est-ce que le cheveux est devenu encore plus symbolique qu’il l’était auparavant ?

Je ne m’attendais pas à découvrir autant de peur chez mes soeurs (je n’ai pas d’autres idées de mots. Paires ?). Pourquoi avons-nous si peur d’explorer ? Pourquoi arrive-t-on à encourager les autres dans leurs singularité mais pas à nous l’autoriser nous même ?

Nous avançons sur tant de choses. Où est ma révolution capillaire ?

Pour finir, je répondrais à la question que tout le monde me pose: et mon mec dans l’histoire ?

Peu de surprise à ce niveau, il adorait mes cheveux longs. Plus ils l’étaient, plus il les aimait. Quand je lui ai parlé de mon envie de couper (enfin, que je l’ai littéralement bassiné pendant des semaines), sa réaction fut la suivante : « j’aime tes cheveux longs, mais si t’as envie de couper, coupe. ». A noter: c’est finalement la seule réponse qui aurait pu convenir dans mon cas. Il me fait part de sa préférence mais m’encourage à suivre mon envie.

Vous savez ce qui me rend dingue ? C’est que j’ai eu peur qu’il ne m’aime plus à cause de mes cheveux courts. Qu’il me repousserait, qu’il me dirait « c’est fini » à cause de putain de cheveux, DE POILS sur ma tête.

Donc oui, nous en sommes encore là, mes amis. Une fille qui a peur d’être rejetée pour son apparence physique. Au moins, j’ai su débusquer la pensée et l’exposer à la lumière et c’est grâce à cette réalisation que je peux la mettre à mal.

Il va bien falloir conclure ce premier article ! J’espère que ce petit voyage au fin fond de mes doutes, de mes peurs, de mes réflexions vous auront parlé, interrogé. Bien sûr, je ne fais part que de ma vision biaisée des choses (comme nous le sommes tous à notre manière), donc n’hésitez pas à venir enrichir le propos avec vos propres expériences et pistes de réflexion !

4 réflexions sur “Couper ses cheveux longs pour une coupe garçonne: EP.1

  1. Super article ! En effet ce n’est pas rien de tout couper mais ne jamais oublier une chose : ça pousse, ça repousse et ça rerepousse. Vive les cheveux courts et longs!
    Dernièrement j’ai écouté le podcast de la poudre avec Chris (ex christine and the queen) qui parle justement de la féminité avec les cheveux longs etc… et aussi que dans les années 80 c’etait tres accepté alors qu’aujourd’hui c’est presque un acte de revendication sur le genre… alors que pas du tout ! Je te recommande chaudement de l’ecouter ça te parlera.

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  2. Coucou Sibylle!
    Bravo pour avoir passé le cap et d’avoir rédigé cet article. Ma mère a toujours eu les cheveux courts et c’est vrai qu’à l’époque c’était banal. Je pense que ce ne sont pas les mêmes codes, les mêmes standards de beauté qu’actuellement où la féminité prime avec les cheveux long (c’est moche à dire).
    Le changement fait toujours peur et tu n’es pas la seule à avoir eu peur de faire fuir ton copains après une coupe de cheveux.
    En tout cas super article, ça fait du bien de te lire !

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    • Merci beaucoup de toujours montrer ton soutien sur le blog et instagram ! Ca me fait vraiment plaisir que tu lises les articles 🙂 Tu as sûrement raison concernant les standards de beauté… Ca me déprime car au fond, j’ai la sensation que le carcan ne s’élargit pas réellement.

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