Faire face à soi-même: Se penser invisible

Il fait 40 degrés dans ma chambre. Il est minuit passé et je me tourne inlassablement dans l’espoir de trouver le sommeil. Mes pensées commencent à vagabonder, elles perdent leur sens logique.

Soudain, je me rends compte que pendant tant d’années, tout au fond de moi, je croyais sincèrement être invisible. C’est comme une évidence. Il suffit de revenir sur certains souvenir récents pour m’en rendre compte.

Mon incompréhension en voyant plusieurs dizaines de personnes autour de moi pour fêter mon départ de mon ancienne boîte. Mon envie de me cacher lorsque L. me dit « mais tu sais Sibylle, les gens t’apprécient ». Quelques mois plus tard, les larmes qui me viennent aux yeux quand on m’offre un cadeau pour mon départ d’une autre boîte. Quand des gens m’invitent à sortir avec eux alors qu’ils ne m’ont rencontré qu’une seule fois. Les paroles douces de personnes qui me connaissent à peine. Je suis toujours étonnée quand quelqu’un me dit « Bien sûr que je me souviens de toi ! ». Je suis ébahie à la perspective d’être dans la mémoire de personnes qui n’ont pas de liens affectifs avec moi. Un refus d’être aimé.

Les compliments. Je n’ai jamais su les recevoir. Mon inconscient reste persuadé qu’ils ne s’adressent pas réellement à moi. J’ai plusieurs fois prononcé cette phrase « Bon, je sais que c’est simplement par pitié mais ça reste gentil de leur part ! ». Les compliments, je ne sais pas les voir comme sincère. Il y a toujours ce doute « Que souhaites-tu en échange ? ». J’ai toujours l’impression que l’on essaye de m’avoir, de m’extorquer quelque chose que je ne souhaite pas donner. Les compliments me font me sentir manipulée. Une petite lumière d’alerte s’allume dans les tréfonds oubliés de mon âme, celle de la méfiance, toujours prête à activer le système de défense.

L’écrire me rend triste, sincèrement. J’ai les larmes à l’oeil en me rendant de l’étendue du désastre. Une confiance perdue depuis si longtemps, sûrement une cassure quelque part dans ma jeunesse.

Petite, j’ai tellement, tellement souhaité disparaître. Qu’on oublie ma présence. Ne plus être là, invisible aux yeux de tous. J’aurai rêvé faire partie du papier peint. Il m’est souvent arrivé que l’on me dise « Tiens, je t’avais oublié » ou encore « tu es si discrète, quel est ton nom déjà ? ». La prouesse de me faire oublier où que j’aille. Passer du temps seule, sans parler, sans rien faire, je savais faire. Passer des jours entiers sans ‘vivre’ les moments mais simplement observatrice passive accrochée aux jambes d’un de mes parents. La panique à la perspective d’être inclue dans une quelconque activité. Un enfant apeuré.

On me l’a reproché. Beaucoup. Parfois cela revient encore sur le tapis. Un poids pour les gens autour de moi. « Pourquoi ne peux-tu pas simplement être comme les autres ? »

Parce que voir quelqu’un ne pas passer un bon moment, même si c’est un enfant, on lui en veut. Ne jouons pas les naïfs, nous avons tous été dans la situation d’en avoir contre quelqu’un qui « pourrit » l’ambiance car il ne fait pas semblant de s’amuser.

Il existe une ambivalence très forte en moi : l’envie profonde de disparaitre et ces éclats de vie tonitruants et incontrôlables. Rire, ce radeau de sauvetage. Je ris à gorge déployée, je parle fort, je fais des gestes disproportionnés quand je raconte une histoire. Rire renvoie tous mes doutes au fin fond de mon être. Ce sont quelques secondes de repos où mes doutes s’évaporent.

C’est là que j’ai compris le but de ce blog, quel cheminement j’étais entrain de faire. Ce blog, il n’est pas comme ceux que j’ai pu avoir avant. Mon mal être suintait dans toutes les lignes, dans tous les mots que j’écrivais. C’était un moyen de me débarrasser de ce poids que je n’arrivais pas à porter. Même si le moyen reste le même (Helllooo, de toute évidence ce n’est pas la joie de vivre qui suinte dans ce post), je m’expose et j’en ai pris la décision.

J’ai décidé de ré-ouvrir un blog.

J’ai décidé de parler non pas pour évacuer mon trop plein d’émotion mais pour témoigner que les choses changent constamment.

Je n’ai pas honte d’écrire là dessus, car je ne suis pas seule. C’est évident. Je le sais. Je ne suis pas la seule petite fille qui a eu envie de disparaître beaucoup trop tôt dans sa vie. Je ne suis pas la seule petite fille à avoir nourri la peur de mourir sur le champs si j’ouvrais la bouche devant des inconnus. Je ne suis pas la seule petite fille à avoir une peur incontrôlable du jugement.

Hier soir, j’ai donc compris que si je prenais le risque d’ouvrir ce blog, c’était tout simplement qu’un changement s’opère: j’accepte d’être vivante et visible alors que depuis mon enfance, à force de refuser de l’être, je m’étais convaincue que j’étais réellement devenue invisible. C’est fou. C’est triste.

Mais rien n’est figé, non, rien n’est jamais figé.

Je suis heureuse d’avoir mis au jour cette partie de moi. Je savais qu’elle était là, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je ne sais pas d’où elle vient, pourquoi j’ai vécu de la sorte, mais damn. C’est une expérience forte de faire face à soi de la sorte.

Je rends le micro sans conclusion car je n’ai pas envie d’épiloguer. Ce post n’est finalement qu’une introduction.

12 réflexions sur “Faire face à soi-même: Se penser invisible

  1. Super touchant. Vraiment.
    Je me permets de d’écrire un petit message privé que tu liras quand tu voudras 🙂
    Bonne continuation et bravo pour ce premier pas.
    Sophie ( une amie de longue date – qui ne t’a pas non plus oublié…)

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    • Oh ! Je ne savais même pas que l’on pouvait envoyer des messages privés ! Merci pour ton message, je ne pensais pas que tu regarderais mon blog :O Ca me touche énormément que tu aies pris le temps de m’écrire, sincèrement. ❤ J'espère que tu vas bien Sophie !

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  2. Très touchant. Vraiment.
    Je me permets de t’écrire un petit message en perso.
    Bravo pour ce premier pas et bonne continuation.

    Sophie (Une amie de très longue date qui te reconnait sur la photo et ne t’avais PAS non plus oublié…)

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  3. Je te felicite Sibylle, après toutes ces années, tu restes une personne merveilleuse et toujours aussi touchante. C’est un beau et grand pas que tu viens de faire, et tu peux être fière de toi.
    Je t’embrasse très fort, à bientôt.
    Manon

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  4. Pingback: À la Roze — De Timide Maladive à Réservée: mon évolution

  5. Je fais partie de ces personnes qui ne savent pas où elles vont, je ne me sentais pas invisible mais nulle. Bonne à rien ou mauvaise en tout. Je erre dans cette vie parce qu’il le faut. Je fais des métiers par defaut. Quelles sont mes passions? Je ne sais pas. J’ignore de quoi sera fait mon avenir. J’ai mon petit foyer avec mon mari rencontré adolescente et nos 2 filles…ma seule fierté!! Mais après…..j’ecris un peu, je publie sur ma page facebook mais personne ne lit donc même dans ce domaine je ne peux donc savoir si je suis passable. Ca me renvoie une fois de plus une image négative.
    Vous avancez c’est une chance je vous souhaite bonne continuation

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    • Bonjour Daussy,

      Merci beaucoup d’avoir pris le temps de lire mon article et de me laisser un commentaire, ça me touche beaucoup.

      Concernant votre situation, je ne sais pas si c’est déjà le cas mais aller voir un psychologue pourrait être une bonne idée. Peut-être faudra-t-il que vous en essayiez plusieurs avant de trouver le bon, mais ne lâchez pas l’affaire ! Quand on est avec le bonne personne, cela fait beaucoup de bien. De mon côté, c’est une des meilleures décisions que j’ai pu prendre dans ma vie 🙂 Il n’y a pas de honte à y aller.

      Maintenant que cela est dit, je vais vous dire ce que je ressens par rapport à votre commentaire. C’est uniquement mon avis donc prenez ce que vous voulez et laissez ce qui ne vous parle pas 🙂 Le voici:

      Vous existez, vous êtes une personne et personne ne pourra jamais enlever votre individualité. Rien que par le fait d’être, vous avez de la valeur. Je répète VOUS VALEZ QUELQUE CHOSE. Vous n’êtes PAS nulle. Vous êtes une personne à part entière avant d’être une mère ou une épouse. Ces personnes vous aiment pour votre personnalité et tout ce que vous représentez. Ils vous aiment pour qui vous êtes, point. Pas besoin de passion ou de réussite particulière pour mériter cet amour. Tant que vous n’accepterez pas que vous êtes une belle personne, que vous êtes digne de votre amour propre, et que vous continuerez à parler de vous d’une manière aussi négative, je ne vois pas comment vous pourrez avoir une belle image de vous.

      Vous avez des réussites dans votre vie. Pleins ! Plus ou moins grandes mais ce n’est pas pour ça qu’elles n’ont pas d’importance ! Par exemple, personnellement j’ai beaucoup de mal à prendre mon téléphone pour appeler quelqu’un, donc au lieu de me dire « T’es nulle, t’arrives même pas à faire ça alors que c’est super simple, c’est ridicule » eh bien je me dis « YEEEESSS ! You did it Sibylle ! High five ! ». Je m’en fous que ce soit minuscule à l’échelle de la planète. Ca me provoque de l’inconfort, je le surmonte. BOUM. Réussite.

      Il faut bien se parler, c’est primordial pour avancer. Se flageller toute la journée vous amènera seulement à être de plus en plus paralysée et à finalement ne rien entreprendre car vous vous direz que c’est perdu d’avance. En se disant ça, vous chercherez tous les éléments qui viennent confirmer votre pensée. Vous ne verrez plus que les échecs et baisserez les bras en vous disant « c’est bien ce que je me disais, je suis nulle pour tout… ». C’est une spirale négative !

      Pour le fait que vous na sachiez pas où vous allez: vous êtes vous déjà demandé ce qui vous importait le plus dans la vie ? Par exemple, certaines personnes pourront ressentir un besoin profond de transmettre aux autres, d’autres personnes auront une aspiration très très forte à protéger les autres, ou encore d’autres auront le besoin de montrer aux autres leur potentiel. Vous voyez où je veux en venir ? Bien sûr la première réaction est de se dire « je ne sais pas », rassurez vous 🙂 Mais laissez la réflexion infuser en vous, pensez-y régulièrement, recherchez les situations où vous vous sentez BIEN et essayez de comprendre pourquoi ?

      Concernant votre page facebook, quel est votre but premier ? Le partager avec les autres pour vous faire entendre ? ou est-ce que c’est de simplement vous faire plaisir sans chercher un réussite particulière ? Si c’est UNIQUEMENT pour le plaisir, pourquoi avoir besoin de la validation de l’extérieure ? Détachez vous complètement de cela, ne vous mettez pas la pression ! C’est génial d’avoir un endroit où s’exprimer sans prise de tête 🙂 Ne pas avoir de retour ne veut pas dire que c’est NUL, ça veut peut-être dire qu’il ne rencontre pas le public qu’il faut.
      Par contre, si votre PROJET est qu’il rencontre un public avec lequel échanger, il faut mettre des choses en place. Pour ce blog, qui est encore tout petit, j’ai décidé dès le début que je voulais tout faire pour qu’il grandisse. Ce faisant, j’ai lu beaucoup d’articles et de ressources pour générer du trafic, comment marche le SEO, etc…, et surtout j’ai mis ces stratégies en place sérieusement avec plus ou moins de réussites, c’est bien normal au début de faire des erreurs 🙂 Après, ça me demande de constamment sortir de ma zone de confort, mais c’est une bonne chose. Donc, si vous avez VRAIMENT envie de voir votre page facebook évoluer, je suis convaincue qu’il y a énormément de ressources disponibles sur internet pour vous aider à y arriver !

      J’espère ne pas avoir été trop brutale, car par écris on peut avoir l’air plus sec que dans la réalité. Pour conclure je dirais qu’il y a deux points importants: soyez sympa avec vous même. Vraiment. Ne doutez JAMAIS que avez de la valeur. N’utilisez plus la phrase « je suis nulle », franchement elle est à bannir. Ce n’est pas constructif. Second point: si vous voulez faire grandir un de vos projets, essayez pas à pas de mettre en place des pratiques qui lui permettront d’évoluer 🙂 Et fêtez chacune de vos victoires !!!!

      Je vous recommande chaudement ce livre : Mindset – The new psychology of success de Carol S Dweck, elle en parle très bien. 🙂 Si vous ne vous sentez pas de lire un livre en anglais, je pense qu’il doit y avoir pléthore d’articles expliquant les grands principes 🙂

      Je vous envoie pleins de bonnes ondes,
      Passez une excellente journée et encore merci de m’avoir lu

      Sibylle

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  6. Pingback: De Timide Maladive à Réservée: mon évolution – À la Roze

  7. Bravo pour la rédaction de cet article car ce n’est pas évident d’écrire des choses si intimes et profondes !
    Le titre m’a interpellé car j’ai longtemps ressenti la même chose. Je rasais les murs pour me faire discrète et j’aurais voulu être une petite souris pour me faufiler partout sans être vue ^^
    Aujourd’hui encore, il m’arrive régulièrement d’être étonnée que l’on pense à moi pour quelque chose (c’est d’ailleurs arrivé cette semaine avec ma prof de chant rencontrée seulement 2 fois !) ou que l’on me reconnaisse. J’ai tellement l’impression d’être passe partout !
    Pourtant, au fond de moi j’ai ce sentiment d’avoir tant à donner.
    C’est également pour moi le « pourquoi » de mon blog 😉
    Belle continuation

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    • Bonjour Maud !

      Désolé pour le temps de réponse à ton commentaire !

      Je suis contente que cet article ait trouvé écho en toi ! ❤ C'est exactement pour ça que j'écris.

      Maintenant que j'ai identifié ce problème et ait travaillé dessus, je suis assez contente de me dire que (je crois?) que c'est fini. J'apprends à accepter ma place et à l'occuper sans honte, sans culpabilité. C'est pas simple tous les jours, mais ça vient !

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  8. Tout à fait moi également, c’est dingue! Mêmes pensées, même comportement, mêmes envies, mêmes paroles des autres et de mon entourage. J’aurais pu écrire le début de ton article mot pour mot. Alors merci pour ton partage, je crois que je pourrais peut-être parvenir à reconnaître ce désir d’être invisible en reconnaissant que d’autres personnes, comme toi, puissent le vouloir également. Un grand merci encore et une bonne route à toi sur la scène de l’existence. Il paraît qu’on s’y sent libre.

    Bien à toi,
    Anaïs

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